Après la célébration de la JIFM, l’équipe du PASS, a interviewé par visioconférence, Mme Sarah de Liamchime, Présidente de Solidaris Wallonie par ailleurs représentante de la voix des femmes dirigeantes mutualistes Européennes lors du panel de cette 3ème édition.
1- Mme Sarah De Liamchine, Merci de bien vouloir vous présenter sur le plan académique et professionnel.
Je suis Sarah de Liamchine, diplômée d’un bachelor en multimédia, formation de 3 ans qui est un mixte entre la communication et la programmation webmaster. J’ai également un Master en Sciences du travail à l’Université Libre de Bruxelles. Au niveau professionnel j’ai travaillé comme chargée d’études et d’analyses à la Centrale Générale des Services Publics de la FGTB (fédération syndicale socialiste belge). En 2016, j’ai intégré une association belge d’éducation populaire éco socialiste (Présence et Action Culturelles) dont j’ai pris finalement la direction en 2019. Par la suite, j’ai été récemment désignée Présidente de Solidaris Wallonie, première mutualité francophone de Belgique. Je me définis comme une militante intersectionnelle : injustices sociales, racisme et discriminations liées au genre sont au cœur de mes engagements. Je suis particulièrement sensible à l’articulation entre les enjeux environnementaux et les enjeux sociaux.
2- En tant que présidente de la mutuelle Solidaris Wallonie, pouvez-vous nous présentez votre mutuelle (Contexte historique, visions, activités et actualités) ?
Solidaris Wallonie est une mutuelle Belge qui couvre une région spécifique, la Wallonie. La Wallonie fait partie de Solidaris mutualité au niveau national, tant du côté de la Belgique anglophone que du côté francophone. Solidaris est subdivisé en toute une série de petites mutuelles qui correspondent à chacun un territoire précis. Depuis des années au niveau de la Wallonie, un projet a été entamé en vue de fusionner tous ces petits territoires en un seul dans l’optique d’avoir un plus gros volume de bénéficiaires. Ce projet de fusion a été concrétisé le 1er janvier 2022 et ce sont au total, (5) cinq petites mutuellesqui ont fusionné en une seule pour atteindre environ 1. 300. 000 bénéficiaires. Ce chiffre fait de Solidaris Wallonie, la première mutualité au niveau francophone de la Belgique.
Solidaris est une mutualité qui poursuit un projet socialiste en termes de projet politique. Elle est une mutualité qui a toujours essayé d’apporter à la fois des réponses aux besoins sociaux des populations défavorisées avec des montants de cotisation adaptés à tout genre de situation, et aussi elle permet de développer tout un réseau autour de la mutualité. Notons qu’en Belgique les mutualités servent principalement à deux choses notamment, le remboursement d’une partie des soins de santé et une assistance aux personnes qui ne perçoivent plus leurs salaires en raison de maladie. En plus de ces deux grands points soulignés en amont dans le domaine de la mutualité en Belgique, Solidaris à développer tout un réseau d’activité à côté de ces prestations principales. Chez solidarise c’est tout une série d’associations en interne, notamment une association pour les droits des femmes, une association pour les personnes porteuses de handicap, une association pour les séniors et une association pour les jeunes.
Enfin une des particularités des Solidaris c’est qu’elle a en son sein, au-delà des fonctions premières de santé, une offre de service à destination de tous les citoyens, que ce soit dans le secteur du conseil, des stages pour les enfants, des centres de formation pour les femmes, etc.
3- En tant que femme dirigeante mutualiste et par ailleurs Présidente de Solidaris Wallonie, que représente pour vous la JIFM (Journée Internationale de la Femme Mutualiste) ?
J’ai trouvé hyper intéressant de mettre l’accent sur le rôle des femmes dans les mutuelles. En Belgique plus précisément chez Solidaris, la plupart des employés dans les mutuelles sont des femmes. Elles interviennent sur le volet administratif, financier, social et sanitaire (Service qui consiste à se rendre au sein des domiciles des personnes malades ou âgées, pour les aider dans leurs tâches quotidiennes).
Il faut signifier que plus de 80% de ces personnes qui travaillent dans ces différents secteurs cités en amont, sont des femmes. Ce sont elles qui exécutent une plus grande partie des tâches pour faire fonctionner la mutualité mais plus on monte les échelons, moins on ne les trouve. Vu cette problématique qui se pose, la JFM est pour moi une très belle initiative dans la mesure où elle est l’occasion chaque année de mettre en valeur l’engagement des femmes dans le secteur de la mutualité tout en les aidant à occuper toute leurplace dans la construction d’une société plus solidaire.
4- Pour le panel de la 3ème édition de la JIFM vous avez été désignée pour porter la voix des femmes mutualistes du continent Européen, on aimerait savoir quels ont été vos sentiments après cette annonce ?
Pour être honnête, j’ai été un peu mal à l’aise qu’on me demande de représenter tout l’Europe à cet évènement, parce qu’étant nouvelle, je dois apprendre énormément de choses sur toutes les mutuelles européennes. Au cours de ce panel il y a eu des éléments sur le sujet qui ont été évoqués notamment l’impact de la crise sur les femmes. Pendant nos échanges, nous avons pu constater que presque toutes les femmes du monde ont été confrontées aux mêmes problèmes. Vu cette similarité il était temps qu’on soit un peu écouté et entendu car ce sont nous les femmes qui avons pris soin du monde quand tout allait de mal en pire.
5- Lors du panel « Crise sanitaire et inégalités de genre » animé par Mme Dominique Joseph, Secrétaire générale de la FNMF, vous vous êtes prononcée sur le thème suivant : « contrer l’impact socio-économique de la crise sanitaire sur les femmes » pouvez-vous revenir sur les points saillants de votre intervention ?
Au cours du panel j’ai évoqué un certain nombre de points. D’abord j’ai souligné que les femmes étaient indispensables dans la crise, que ce soit dans les soins de santé, à la maison où elles ont pris soin des enfants, ou encore dans tous les métiers de première ligne comme la vente. Si les femmes n’étaient pas là, tout s’arrêterait et on n’aurait pas pu fréquenter les hôpitaux, faire l’école à la maison et on n’aurait certainement pas pu faire tourner la grande distribution. Alors à l’inverse après la crise on devrait se demander comment est-ce qu’on pourrait rendre un peu aux femmes l’investissement qu’elles ont donné et ça malheureusement on n’a pas réussi à jouer sur le rapport de force pour aller acheter des victoires.
L’autre élément que j’ai mis en exergue dans mon intervention c’est la nécessité de remettre de manière collective la charge individuelle des femmes. A titre d’exemple : on a vu le danger quand on a fermé les crèches, les écoles, en tout cas en Europe ce sont les femmes qui se sont retrouvées à la maison à devoir travailler en distanciel ou travailler dans les magasins, afin de trouver des solutions pour gérer leurs enfants et gérer leur boulot. Face à ce problème, c’est là que tout l’intérêt des mises en place des structures collectives financées par l’Etat, doivent collaborer avec des structures comme les mutualités. Si l’Etat ne finance pas les centres d’accueil pour les enfants, directement les femmes sont impactées économiquement parce que parfois elles peuvent même abandonner leur travail et diminuer leur temps de travail pour s’occuper de leurs enfants.
Enfin je pense que, ce qu’il faut aussi souligner, c’est qu’il existe en Europe une série d’allocations notamment, l’allocation d’insertion sociale, l’allocation en cas de perte d’emploi, allocation de pension. Aujourd’hui les femmes sont souvent pénalisées par rapport à ces allocations quand elles vivent en couple. Parce qu’elles vivent conjointement avec un mari qui a des revenus, leurs allocations sont rabaissés. En Belgique certaines de ces allocations n’ont plus été rabotées parce que les autorités ont signifié ceci pendant la crise : « Vu la crise on vous remet vos allocations à 100% même si vous vivez avec votre mari qui travaille, on arrête de raboter une partie ». A cet effet, je pense qu’il faudrait négocier maintenant de laisser ces allocations à 100%, car même si la crise de la Covid-19 est passée, la situation des femmes ne s’est pas nécessairement améliorée.
6- Pour vous qu’est ce qui devrait être fait afin que les femmes soient de plus en plus représentées dans les grands espaces décisionnels notamment en cette période de sortie de crise ?
Le fait que la crise soit gérée la plupart du temps dans les espaces de direction ou dans les espaces politiques importants, par des hommes fait qu’il y’a des réalités à côté desquelles on passe complètement. En Belgique on est subdivisé en plusieurs zones et chaque zone a son chef et son gouvernement, mais quand on avait des présentations à la télé pour dire ce qu’on allait faire en période de la Covid-19, il arrivait régulièrement qu’il y ait (8) ministres sur scène, sans aucune femme. Ce qui ressort de tout ceci, ce n’est pas tellement qu’il faut des femmes pour des femmes, mais signifions que les femmes de là où elles sont, ont une vie particulière, une charge familiale qui est la plupart temps plus lourde. Elles sont confrontées à des formes de violence, de discrimination que la plupart des hommes ne connaitrons jamais. Si on décide tout avec uniquement le regard des hommes, on passe à côté des réalités des femmes. Donc ce qui devrait être fait, c’est de mettre en place un quota au niveau de tous les postes de la société.
7- Quel est votre mot de fin ?
J’aurais réussi ce pari de poste de Président si après moi c’est une femme qui prend ma place.
Je ne suis pas intéressé d’être la seule femme en haut de la tour. Ce que j’aimerais c’est que plusieurs femmes soit Présidente de mutuelles ou d’autre institutions.
Je souhaiterais qu’on ait beaucoup plus de femmes à tous les échelons de la tour que j’essaie de gravir aujourd’hui et que d’ailleurs on invente un autre modèle, autre qu’une tour. Pour moi c’est soit on gagne toute ces droits ensemble soit ça ne vaut pas la peine qu’une seule d’entre nous, gagne tous ces droits. C’est toutes ensemble et plus de droits ou alors ça ne vaut pas la peine de se battre, c’est vraiment un modèle collectif que moi je prône, où j’espère que dans 10 ou 15 ans la génération de jeunes femmes prendront le relais et soit plus représentée dans les espaces de décision.